Village de Bebekan

Maison du corps maison du coeur

mardi, août 08, 2006

Bebekan 4

Carrefour, Marionnettes, Photos maisons détruites et gens, Pompiers Sans Frontières et SAR, Démolission

Tout avance assez vite et bien. Les villageois n’ont plus de souci de nourriture à présent. Vendredi soir, j’ai fréquenté les couloirs de l’hôtel Mercure où logent toutes les ONG, la presse etc… J’ai réussi à récupérer deux males de médicaments des Sapeurs Pompiers français qui repartaient et ne voulaient remporter ces stocks (200kg) avec eux. Comme toutes les notices sont en français, Sarah (ma fille) a passé la journée d’hier à traduire en indonésien la posologie de chaque médicament et de tout classer sur son ordinateur. J’ai rencontré aussi le directeur régional de Carrefour (Carrefour s’est installé depuis mars 2006 à Yogyakarta dans un tout nouveau centre commercial qui a été passablement endommagé par le tremblement de terre). Carrefour et le groupe Accor ont livré plusieurs milliers de repas gratuits aux hôpitaux de Yogyakarta pendant une semaine et Carrefour a fait de la distribution de vivres dans les villages. Je voulais demander à son directeur de nous offrir les cartables et les fournitures scolaires pour les enfants de Bebekan car tous reprennent l’école ce jeudi 8 juin. Mais il m’a dit préférer s’engager dans la reconstruction d’une école. Nous sommes donc allés ensemble samedi matin voir l’école primaire la plus détruite atour du village de Bebekan. IL semblait intéressé et doit me donner la réponse de sa direction cette semaine.

IL n’y a pas d’école dans le village même de Bebekan. Les enfants sont dispersés dans plusieurs écoles autour de Bebekan. Ils sont 60 à être scolarisés, de la maternelle au lycée, mais comme ils fréquentent les mêmes écoles que les enfants des 5 villages environnant, nous devons acheter des fournitures scolaires (cahiers, crayons, cartables) pour l’ensembles de 5 villages, soit environ 250 enfants, car sinon cela ferait des jalousies bien légitimes.

J’ai rencontré aussi au Mercure le directeur du Centre Culturel Français de Surabaya qui m’a proposé d’inviter à Bebekan un marionnettiste français, Michel Lauber, qui fait en ce moment une tournée en Indonésie. C’est Michel Laubu qui a émis le désir de se produire dans un village touché par le tremblement de terre. Sa troupe est de Lyon et s’appelle Turak. Nous organisons donc, demain mardi 6 juin, à 16h, une représentation de marionnettes dans les ruines de Bebekan. Nous invitons les enfants de tous les villages environnant et à la fin du spectacle, nous ferons la distribution des fournitures scolaires, plus un goûter.

Dimanche soir, j’ai organisé chez moi une rencontre avec les 15 pompiers français de l’association Pompiers Sans Frontière avec le coordinateur des jeunes sauveteurs bénévoles indonésiens de SAR (Search an Rescue) avec qui nous travaillons à Bebekan. Les Pompiers Sans Frontières sont en général des pompiers professionnels mais qui prennent sur leurs vacances pour venir en bénévole travailler sur des situations de catastrophes naturelles. Ils ne font pas juste du secours, mais aussi beaucoup de formation de secouristes ou pompiers, en particulier au Pérou, et à Aceh lors du tsunami où pendant des mois après le tsunami ils ont formé 30 pompiers indonésiens qui ont à présent un haut niveau de compétence. Ils étaient d’ailleurs hier soir avec quatre pompiers d’Aceh qui sont venus secourir les victimes du séisme de Yogya avec eux. Hier soir, les sirènes d’alerte sur le volcan Merapi ont sonné pour évacuer les villages à 4kms du sommet, sur le versant est car de très longues coulées de laves et nuées ardents, 6kms, se sont produites. Nous étions tous ensemble à la maison, et les pompiers sans frontières ont proposé à SAR l’idée d’une formation à long terme sur le secourisme autour du volcan Merapi. Il faut bien sûr qu’ils présentent ce projet à tous leurs membres et trouvent les fonds nécessaires, mais nous restons désormais étroitement en contact.

Du coup, ce matin, les pompiers français sont venus à Bebekan, l’un étant médecin, a organisé une visite médicale pour toutes les personnes souffrant encore de blessures ou de maladies diverses, tandis que les autres pompiers ont observé comment les villageois ont commencé à nettoyer les ruines et à démolir les murs vacillants. Ils leur ont donné quelques conseils de sécurité et pratiques, mais dans l’ensemble, ils ont trouvé que les villageois travaillaient parfaitement bien, bien que de manière archaïque. Un des étudiants du SAR leur a donné une grosse corde qu’ils glissent dans un trou supérieur d’un mur à détruire, qu’ils nouent puis à plusieurs ils tirent sur la corde et le mur s’effondre. Ils travaillent pieds nus, mains nues, sans masque. Les pompiers français leur ont donné tous les masques qui leur restaient et aujourd’hui nous leur avons acheté des bottes en caoutchouc, des cordes supplémentaires et des gants. Pour ce travail de déblayement, ils le font toujours selon la tradition du « gotong-royong », c'est-à-dire de l’entraide villageoise. Tous les hommes du village décident ensemble chaque jour de nettoyer les ruines d’une maison, et quand le travail est terminé, ils passent à la suivante. Ils vont en avoir pour plusieurs semaines mais ils travaillent très activement. Certaines femmes, également pieds nus dans les ruines, récupèrent une à une au milieu des débris, les briques encore intactes et les entassent délicatement sur le côté pour les recycler à la reconstruction. Les hommes récupèrent aussi toutes les poutres, les tuiles, c’est un travail de dentelle remarquable.

Les étudiants français bénévoles venus le week-end à Bebekan ont photographié tous les habitants devant leur maison. Le combat dans quelques semaines va devenir un combat bureaucratique pour obtenir auprès des autorités l’aide promise par le gouvernement, à savoir 30 millions de rupiah (2.800 euros) par maison détruite. Mais personne ne sait encore comment cette procédure va se passer. Les étudiants bénévoles indonésiens de SAR qui campent dans le village de Bebekan monteront « au front » de la bureaucratie indonésienne pour aider les villageois à obtenir cette aide. Aucun des habitants de Bebekan n’est un fonctionnaire, tous sont des paysans sans terre, ouvriers agricoles ou ouvriers dans le bâtiment, conducteur de cyclo-pousse. Ils n’ont donc aucun accès à la bureaucratie locale ni nationale. Ils n’ont d’ailleurs à ce jour toujours reçu aucune aide du gouvernement indonésien ( sinon en 11 jours 50 kg de riz, 2 cartons d’huile et 4 couvertures) ni d’ONG étrangère, si ce n’est la visite médicale de Pompiers Sans Frontière. Votre aide financière a été fondamentale et les pompiers français ont été surpris des progrès réalisés dans ce village par rapport à d’autres villages où ils sont intervenus.

Je continue donc à me rendre chaque jour à Bebekan, les étudiants indonésiens me transmettant au jour le jour les nouveaux besoins : câbles électriques (plusieurs centaines de mètres), support de néons etc… J’ai demandé aux étudiants français et indonésiens de conserver toutes leurs notes, photos, les dessins d’enfants etc… pour dans quelques mois peut-être publier un petit livre sur l’histoire de Bebekan, sa destruction par le séisme, sa reconstruction, son financement «artisanal » par un réseau d’amis étrangers et par des bénévoles de SAR sur le terrain au quotidien, ainsi que l’histoire plus générale du village, des ses habitants, de leur culture locale, de leurs traditions et mythes.
Elisabeth