Village de Bebekan

Maison du corps maison du coeur

mardi, août 08, 2006

Une goutte d’eau dans un océan de détresse

Mercredi 31 mai
IL est 21 h et je rentre juste du sud de Yogya, des embouillages monstres à l'aller et au retour, mais la mission est accomplie: nous avons livré la cargaison achetée ce matin aux villageois de Bebekan qui étaient vraiment contents. Evidemment c'est une goutte dans l'océan. Le village de Bebekan n'a reçu encore aucune aide alimentaire ni logistique. Seuls des militaires sont venus ce matin pour déblayer les premières ruines, mais il en reste beaucoup. ILs ont fait la quête en bord de route et ont reçu 150.000 roupies, ce qui leur permet d'acheter un peu de pétrole pour leur réchaud et leur lampe. L'électricité n'a toujours pas été rétablie et ne vas pas l'être avant des jours. Ils n'ont que deux, trois tentes (pour 500 personnes). La nuit, tout est noir, des voleurs essayent de s'inflitrer dans les ruines du village pour voler ce qu'il reste, ils doivent donc en plus monter la garde. Beaucoup de moustiques, il pleut depuis le séisme toutes les nuits, très fort. La situation que je décris n'est pas propre au village de Bebekan. Une grande partie des villages n'ont pas reçu encore d'aide. La priorité était sans doute les premiers jours au secour aux blessés et à l'évacuation des morts. Et l'armée commence à s'affairer à déblayer les ruines et à détruire les maisons qui menacent de s'écrouler. Ce qui est certain c'est que l'aide alimentaire et logistique stagne dans des entrepots et n'arrive presque pas à être distribuée. Des centaines de villages sont dans la situation de Bebekan. ALors pourquoi ai-je choisi d'aider ce village? Parce que le destin m'y a conduite. Voici comment:

Découverte de Bebekan


Dimanche m
atin, 29 mai, je me rends dans le quartier de Bantul où habite une amie qui est actuellement réfugiée chez moi avec son fils. Ce quartier a été détruit à 95%. 18 morts. Ce dimanche matin, c'est l'enterrement d'une femme. Des petites filles "d'honneur" jettent des pétales de fleurs sur le chemin vers le cimetière devant le cerceuil porté par les hommes. Dans la procession, une femme s'adresse à moi: "C'est ma cousine qu'on enterre. Si vous avez du temps après l'enterrement, je voudrais vous emmener dans un village que j'ai découvert hier (samedi soir). Les gens sont très pauvres mais adorables, ,leur village est aussi tout détruit. J'ai connu ce village car ma vieille mère qui habite dans un village au pied de ce village de Bebekan, lui-même situé sur un petit monticule, y a été conduite le samedi matin avec une foule folle de peur, mille villageois qui fuyaient la peur d'un tsunami. Ils ont couru se réfugier dans le village de Bebekan parce qu'il est surélevé.

Ce matin là, après avoir enterré leurs deux morts, les villageois de Bebekan ont décidé quand même de célébrer le mariage de deux jeunes couples, comme prévus, au milieu des ruines. Les plats de noce avaient été préparés la veille et non détruits par le séisme. A peine la cérémonie avait-elle commencé que les gens de Bebekan voient cette foule d'un millier de personne courir vers leur village, ils partagent le modeste banquet avec eux tandis que la foule monte dans le cimetière du village, le point culminant, pour y passer la nuit en se fabriquant des abrits avec des bambous. Ma mère était avec eux. C'est là que je suis allée la chercher". Ce village, j'en parle dans le papier pour Paris Match. Ils sont environ 500 habitants. SUr les 44 maisons, 42 sont détruites. Ce sont des paysans sans terre, des travailleurs agricoles qui cultivent la rizière des autres, élèvent les vaches des autres et construisent les maisons des autres. ILs sont pauvres mais travailleurs et leur village m'a semblé assez soudé et surtout très harmonieux au niveau de la nature, malgré la dévastation. Je suis venue pour la première fois ce dimanche matin avec celle femme, EMi, nous n'avions rien apporté pour eux, aucune aide, mais ils nous ont comblé de noix de coco qu'ils sont montés chercher sur les arbres. Je les ai trouvés entreprenants et positifs malgré leur grande détresse. Sans doute beaucoup d'autres villages sinistrés ont les mêmes qualités, mais j'ai été conduite à celui-ci. Parainner un village est je pense plus efficace et plus humain que de distribuer de l'aide tous azimuts.

Mercredi 31 mai – Coopération avec SAR Yogya

Comme l'aide du gouvenerm
ent n'est pas acheminée, des milliers de citoyens de Yogya ont pris l'initiative d'aller eux-mêmes avec leur argent acheter les produits nécessaires dans la magasins en ville et les acheminer eux-mêmes avec leur propre voiture. C'est ce que j'ai fait, déjà le premier soir du séisme pour le quartier de mon amie. Et ce matin pour Bebekan. Avec les 100 euros que m'a envoyés ma mère j'ai pu acheter une trentaine de boites de lait en poudre, 20 sarong, 200 paquets de nouilles instantannées, 5 litres d'huile, 20 paquets de serviettes hygièniques, une dizaine de savons anti-séptiques, de l'alcool, des produits désinfectans, des pansements, du coton et j'ai oublié le reste.

Il leur faut impérativment d'autres tentes. On n'en trouve plus à Yogyakarta mais un ami qui centralise l'aide des volontaires va aller en acheter dans une autre ville. Une tente de 5m sur 7m vaut 100.000 rupies, soit 9 euros. J'ai commandé cinq tentes.

Il leur faut aussi des lampes tempêtes à pétrole et du pétrole, des lampes de poche plus des pilles, des nattes en plastic, les produits alimentaires de base: sucre, huile, riz, oeuf, lait pour enfants. Des médicaments contre les coups de vent, de froid, du produit anti-moustique pour la peau, contre la dhiarrée.

Sans doute que quand l'aide internationale va arriver, les villages vont être inondés - ou pas- par toutes ces choses. Mais en attendant ils n'ont rien. Et ce sont les premiers jours qui sont importants pour garder le moral et la santé. S'ils sombrent dans la déprime et tombent malade, la reconstruction de leur vie et de leur maison serat très dure.

Je suis disposée à aller faire les courses et à me rendre tous les deux jours dans le village de Bebekan avec ma voiture pour acheminer de l'aide. De Yogya, pour s'y rendre, il faut au moins 2 heures car les routes sont très encombrées, voir complètement embouteillées sur plusieurs kilomètres.

Si quelques personnes veulent participer à cette aide très directe et concrète, je ferai un compte rendu tous les deux jours des achats et des nouvelles du village de Bebekan. AUjourd'hui, trois jeunes volontaires indonésiens du SAR (search and rescue) m'ont escortée, l'un dans la voiture, les deux autres sur une moto, pour éviter que la voiture soit agressée par des gens au bord de la route qui réclament de l'aide. Ils ont collé sur ma voiture leur label SAR et le mot "Voiture allant évacuer un mort". Si soudain l'aide gouvernementale ou internationale tombait abondemment sur le village de Bebekan, on pourrait reporter l'argent restant sur un autre village oublié, ou alors l'investir dans un petit projet à long terme à Bebekan.


Projet dans les jours à venir


Un mot sur SAR (Search and
Rescue): c'est une organisation de jeunes volontaires indonésiens, essentiellement des étudiants, spécialisés dans l'évacuation des blessés ou des morts. Lors du tsunami d'Aceh, ils sont partis deux mois évacuer les corps. POur le séisme de Yogya, ils ont sillonné les village pour évacuer les blessés et morts. Ils pensaient que leur mission s'arrêtait là. Leur bureau sont dans le complexe des bureaux du Gouverneur de Yogyakarta, jalan Malioboro, bureau qu'on leur prête, mais ils ne sont attachés à aucune structure gouvernementale. Les familles des blessés qu'ils avaient évacués sont venues les voir pour leur demander une aide alimentaire et logistique car elles disaient ne rien recevoir des autorités. Ils ont donc été entraînés à malgré eux à s'occuper de centraliser les données sur l'aide: quel village en a reçu ou pas, car le gouvernement ne centralise rien. Tout est dispersé, les ONG ne savent pas où distribuer l'aide et beaucoup de villages jusqu'à ce soir, mercredi 31 mai, n'ont reçu encore aucune aide, ni tente, ni lampe, ni nourriture. SAR est donc en train de dresser une carte précise de la région sinistrée par le séisme avec ces cartographes et géologues de l'université Gadjah Mada et d'informer les ONG sur l'état des lieux des divers villages en regoupant toutes les données que voudront bien leur donner toutes les organisations à mesure qu'elles délivreront de l'aide. C'est en principe le travail du gouvernement, mais il n'est pas fait. SAR le fait sans fond, complètement bénévolement, ils mettent des volontaires à disposition et des voitures pour apporter l'aide dans les villages oubliés.
Demain, au plus tard après-demain, ils auront terminé la carte qu'ils mettront à chaque à chaque instant sur un site internet que je vous communiquerai.

Ce matin, après une discussion très
concrète avec Mazurki et Asep, les deux pilliers de SAR (Search and Rescue), nous avons décidé la chose suivante pour les fonds que vous avez envoyés: nous restons concentrés sur le village de Bebekan. Les habitants de Bebekan m'ont dit hier que les 5 villages voisins n'avaient reçu aucune aide. Nous y retournons demain matin, avec quatre étudiants volontaires de SAR, la voiture chargée de nattes, de sac de riz, de lampe tempête, de pétrole, de lait, de sarong, d'aspirine, de vitamines, de 5 tentes, d'huile, etc... Toutes ces choses ont été achetées grâce à vos dons. Arrivés à Bebekan, nous allons construire en bambou un "posko", poste de communication, où les 4 étudiants vont rester à demeure pour coordonner l'aide, la distribuer à Bebekan et dans les villages voisins que nous allons visiter demain. Cette structure llégère, peu coûteuse de posko est essentielle pour dans les jours qui viennent receptionner de l'aide internationale ou d'organisations ou groupes locaux tel que Jarum, Kompas etc... S'il n'y a pas de posko, les ONG ne savent pas à qui donenr l'aider. Et cette aide nécessite un suivi quotidien: combien reste-t-il se sac de riz aujourd'hui, de quoi manque ce village... Car nous ne sommes pas dans une situation où les sinistrés sont regroupés dans des camps de réfugiés. Ils sont réfugiés dans leur propre village, donc beaucoup de dispersion. Et s'ils ne meurent pas de faim et n'ont pas l'air de souffir l'horreur, ils vivent tout de même entre les ruines de leur maison, sans électricité, sans toit, sinon pour certains des tentes, sans sanitaire, sans possibilité encore d'acheter quoi que ce soit dans les environs car tous les magasins sont sinistrés, et sans travail, sans argent. Cette situation risque de durer plusieurs semaines, voir plusieurs mois, même si beaucoup sont très débrouillards et dynamiques. Une des priorités seraient de déblayer les ruines des maisons avec de gros engins pour que les habitants puissent commencer à reconstruire avec les moyens du bord en attendant les fonds de reconstruction. Le gouvernement indonésien a organisé des posko dans certains quartiers ou villages, mais dans beaucoup pas. Le rôle des volontaires de SAR sera donc d'informer le bureau à Yogya de l'état des stocks, de s'assurer que l'aide est équitablement distribuée à tous les villageois et de réceptionner l'aide des ONG diverses. Car l'aide internationale est en train d'affluer, il est donc un peu "idiot" d'aller, comme le font encore des milliers de personnes à Yogya et comme moi", acheter des vivres et autres au supermarché pour les villageois alors qu'il commence à y avoir des stocks énormes qui n'attendent qu'à être dirigés vers les villages nécessiteux.


Ce que je vous écris là va peut-être se modifier demain sur le terrain à Bebekan. Il faut savoir improviser tous les jours car la situation se modifie constamment, les besoins aussi. Mais l'idée du posko que nous patronnons avec votre aide en collaboration avec la logistique de SAR me paraît bonne et pourra peut-être déboucher sur un plus long terme, pour assister les villageois à la reconstruction de leur maison selon des normes anti-sismiques.
Elisabeth